Combattre le sexisme à l’école : un enjeu de société… et de performance économique

Le sexisme ne recule pas en France. Pire, il a même tendance à s’aggraver, notamment parmi les jeunes générations. Ce constat peut paraître contre-intuitif compte tenu de la prise de conscience née du mouvement #MeToo, mais il est clairement posé par le dernier rapport du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (HCE).

Profondément ancré dans les normes sociales, le sexisme se manifeste dès le plus jeune âge et explique un phénomène d’autocensure qui conduit les filles et les femmes à des renoncements lourds de conséquences. Selon le HCE, 15% des femmes redoutent voire renoncent à s’orienter dans les filières scientifiques ou toute autre filière majoritairement composée d’hommes par crainte de s’y sentir mal à l’aise, notamment par peur du harcèlement sexuel.

« Les femmes sont sur-représentées parmi les salariés payés au SMIC et elles représentent 70% des travailleurs pauvres en France »

Et pour cause, les dérives sexistes sont courantes dans le monde du travail : selon les chiffres du ministère chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes, 38,5% des femmes ont été victimes de comportements sexistes ou de harcèlement sexuel au moins une fois dans leur vie professionnelle, dont 15,2% dans le cadre de leur emploi actuel. Ce sexisme dit « ordinaire » joue sur la confiance des femmes, les conduit à remettre en question leurs compétences et leurs capacités. Plus d’un tiers d’entre elles déclare par exemple ne pas oser demander une promotion ou une augmentation. Il est désormais établi que le sexisme agit comme une « trappe à bas salaires » et explique en partie les inégalités salariales observées entre les femmes et les hommes. Les données du ministère du Travail montrent en effet que les femmes sont sur-représentées parmi les salariés payés au SMIC et qu’elles représentent 70% des travailleurs pauvres en France.

Cette situation, au-delà de la question évidente d’équité et d’éthique qu’elle pose, interroge au regard de ses conséquences sociales et économiques. On le sait, le sexisme constitue une vraie problématique en termes de santé publique. Le HCE rappelle qu’il existe un continuum entre les comportements sexistes et les actes de violence. En France, 25% des hommes de 18 à 35 ans pensent qu’il peut être légitime d’être violent avec sa compagne pour se faire respecter. En bridant les capacités et les perspectives des femmes, le sexisme a également un impact significatif sur l’économie. Les travaux des chercheurs font consensus sur ce sujet : lorsque le nombre de femmes actives augmente, la croissance économique est au rendez-vous.

Agir sur les mentalités dès le plus jeune âge

Les différents travaux de recherche en psychologie sociale et en sciences de l’éducation montrent qu’il faut agir dès le plus jeune âge pour lutter contre la diffusion des représentations sexistes. Cela suppose d’améliorer les outils et les pratiques pédagogiques en revoyant par exemple les manuels scolaires emprunts de stéréotypes genrés, mais également en impliquant les premiers acteurs de la socialisation, à savoir les parents et les enseignants.

Les pratiques innovantes ne manquent pas. L’association EgaliGone à Lyon qui développe des outils destinés aux personnels de l’éducation pour promouvoir auprès des enfants dès le plus jeune âge un idéal d’égalité, afin qu’ils puissent se développer en fonction de leurs envies et de leurs aptitudes, hors des limites créées par les stéréotypes de genre.

On peut aussi souligner l’initiative du Département de la Seine-Saint-Denis, via son Observatoire des violences envers les femmes, qui a créé le dispositif « Jeunes contre le sexisme ». L’objectif est de sensibiliser les personnels d’éducation et les collégiens à la problématique du sexisme à travers différents outils d’aide à la réflexion et d’expression comme le théâtre-forum, le slam ou encore les vidéos débats. En dix ans d’existence, près de 15 000 élèves et 2 500 adultes ont pu bénéficier de cette action.

« Sensibiliser, informer, faire évoluer les pratiques pour insuffler une culture d’égalité entre les filles et les garçons »

De nombreuses associations accompagnent également les femmes et les jeunes filles pour les aider à ouvrir leur champ des possibles ou à développer leurs activités. Elles mettent en place des programmes d’accompagnement, de mentorat ou de parrainage comme par exemple « Rêv’Elles » qui favorise l’égalité des chances des jeunes filles de 14 à 20 ans. Les associations « Elles Bougent » et « Femmes Ingénieures » misent pour leur part sur la rencontre entre des jeunes filles et des femmes exerçant des métiers scientifiques ou industriels pour tenter de lutter contre l’auto-censure et créer des vocations. Enfin, l’association « 100 000 entrepreneurs » organise depuis 2013 une semaine de sensibilisation à l’entrepreneuriat féminin, une opération nationale destinée aux jeunes de 13 à 25 ans qui vise à faire évoluer les représentations de l’entrepreneuriat qui est souvent perçu comme porté par les hommes uniquement.

Sensibiliser, informer, faire évoluer les pratiques pour insuffler une culture de l’égalité entre les filles et les garçons et favoriser l’insertion professionnelle des femmes sont des enjeux cruciaux pour construire une société plus juste et plus performante.

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