À l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés, Intersection Le Lab et The Human Safety Net France, fondation de l’assureur Generali, présentent une étude sur l’insertion professionnelle des réfugiés. Ces travaux révèlent que les réfugiés offrent un potentiel considérable aux pays d’accueil en termes de compétences et de diversité, à condition de pouvoir bénéficier d’un accompagnement adapté. Des obstacles significatifs entravent en effet leur accès à l’emploi. La situation des femmes réfugiées est particulièrement préoccupante.
Les chiffres du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) viennent tout juste de paraître : le nombre de réfugiés dans le monde a franchi la barre des 120 millions, un niveau historique. Il est illusoire de penser que ces flux sont temporaires et qu’ils finiront par se tarir compte tenu de l’intensification des crises et de l’apparition de nouveaux conflits (1).
Favoriser l’intégration de ces personnes déracinées dans nos sociétés d’accueil est un impératif car l’immense majorité d’entre elles ne pourront plus jamais retourner dans leur pays en raison des risques qui pèsent sur leur sécurité. Il est d’ailleurs utile de rappeler que la protection des réfugiés représente une obligation pour les États en vertu de la Convention de Genève de 1951.
Agir en faveur de l’insertion professionnelle des réfugiés
Faciliter l’intégration des personnes réfugiées, c’est avant tout leur permettre de s’insérer sur le marché du travail. L’accès à l’emploi constitue un droit fondamental mais aussi un vecteur d’émancipation qui leur permet de retrouver des moyens de subsistance et de révéler leurs talents.
Le chemin vers l’emploi se révèle malheureusement être un véritable parcours du combattant pour de nombreux réfugiés. C’est une des conclusions qui ressort de notre étude (2), qui repose sur l’analyse des derniers travaux de recherche et l’audition d’acteurs de terrain. Elle montre que l’accès au marché du travail est plus difficile pour les réfugiés que pour les autres catégories de migrants. Les obstacles sont nombreux : barrière de la langue, traumatismes liés au parcours d’exil, lourdeur des démarches administratives, absence de réseau social et professionnel, etc. Les réfugiés subissent également un fort déclassement professionnel : ils sont 88% à occuper des emplois d’ouvriers ou d’employés en France alors qu’ils n’étaient que 40% à appartenir à ces catégories professionnelles dans leurs pays d’origine (3).
La situation des femmes est particulièrement préoccupante
Un autre enseignement de notre étude est que les femmes réfugiées subissent une double discrimination liée à leur statut et à leur genre. Résultat : seules 22 % d’entre elles sont en emploi, contre 53 % des hommes. En fait, bien qu’elles représentent 40% des réfugiés en France, leur intégration reste encore un angle mort des politiques publiques qui ont beaucoup de mal à tenir compte de leurs besoins spécifiques.
Il y a un véritable sujet lié à leur santé mentale car les femmes sont beaucoup plus nombreuses à subir des violences physiques, psychologiques ou sexuelles tout au long de leur parcours migratoire, et parfois même à leur arrivée en France. Il ne faut pas non plus oublier la question de la garde des enfants qui repose le plus souvent sur ces femmes. Reprendre des études, trouver une formation ou un emploi dans ces conditions est tout sauf aisé. Et quand elles y parviennent, les femmes réfugiées sont généralement contraintes à travailler à temps partiel, synonyme d’horaires tardifs et éclatés ce qui, on le sait, sera une source de forte précarisation.
Adapter les dispositifs d’accompagnement en associant les entreprises
A travers cette étude, nous avons tenté d’identifier les principaux facteurs favorisant une insertion professionnelle réussie. Nos travaux montrent, qu’au-delà des aspects professionnels, il est essentiel de proposer un accompagnement personnalisé à chaque individu prenant en compte ses difficultés sociales, administratives, sanitaires, etc. Les dispositifs doivent aussi et surtout leur permettre d’accéder à des formations et à des emplois de qualité offrant de réelles perspectives d’évolution.
Les entreprises sont un acteur clé de ce processus et pourtant, encore trop peu d’entre elles s’engagent de manière structurée pour garantir aux personnes réfugiées un accès à des emplois de qualité, leur permettant de progresser et de se projeter dans l’avenir. Les initiatives visant à favoriser l’insertion professionnelle des réfugiés restent souvent limitées à des démarches de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) ou de mécénat (4). Cependant, un changement de mentalité semble s’opérer depuis la crise syrienne de 2015 et de plus en plus de grands groupes se sont engagés dans une démarche de recrutement inclusive et pérenne, qui s’appuie sur un accompagnement individualisé des réfugiés.
Le groupe Generali fait partie des entreprises pionnières sur le sujet. Depuis 2017, il s’engage concrètement en faveur de leur insertion professionnelle à travers les actions de sa fondation The Human Safety Net et via le recrutement de personnes réfugiées au sein de ses équipes. Il s’est aussi fixé comme objectif d’accompagner vers l’emploi 5 000 personnes réfugiées d’ici 2027.
Ces initiatives sont utiles pour initier une évolution dans la perception de la migration et inciter d’autres entreprises à mettre en place des dispositifs d’insertion professionnelle des réfugiés.
Le monde de l’entreprise a beaucoup à offrir aux personnes réfugiées, et les entreprises comme la société dans son ensemble ont tout à gagner de leur inclusion. Notre étude le rappelle : l’intégration des réfugiés stimule l’activité économique, contribue positivement aux finances publiques (impôts, cotisations sociales, etc.) et permet de revitaliser certains territoires, notamment ruraux. En offrant aux réfugiés la possibilité de contribuer à leur plein potentiel, nous enrichissons notre pays de leur expertise, de leur dynamisme et de leur diversité.
3. Bilong S., Salin F., 2022, « L’emploi des personnes réfugiées : des trajectoires professionnelles aux politiques de recrutement des entreprises », Centre des migrations et citoyennetés, Ifri.
4. Des chercheurs de l’Ifri ont mené une enquête auprès de responsables RH et RSE de 18 grandes entreprises. Leurs résultats indiquent que l’efficacité des programmes en faveur de l’insertion professionnelle des personnes réfugiées dépend fortement de la capacité des organisations à passer d’une simple démarche RSE à une politique de recrutement plus inclusive.