Ce 5 octobre est célébrée la Journée des enseignants. Cet évènement, organisé depuis près de 30 ans conjointement par l’UNESCO, l’Organisation Internationale du Travail, l’UNICEF et l’Internationale de l’Éducation, met à l’honneur les professeurs du monde entier.
Cette année, la thématique porte sur « L’impératif mondial de remédier à la pénurie d’enseignants ». Partout dans le monde, les activités de cette journée s’attacheront à plaider pour la reconnaissance du rôle crucial des enseignants, à analyser les défis auxquels ils font face et à mettre en avant des pratiques exemplaires visant à renforcer l’attractivité du métier.
L’occasion pour Intersection Le Lab de rappeler quelques chiffres clés et de faire un point sur la situation de cette profession souvent malmenée.
Idée reçue n°1 : les enseignants travaillent peu et sont souvent en vacances
16 semaines de vacances par an, un minimum de 18 heures de cours par semaine pour un enseignant certifié du second degré. A première vue, pour la plupart des salariés, l’emploi du temps d’un professeur semble très enviable. On oublie trop souvent qu’il ne s’agit là que du temps passé devant les élèves. Ces chiffres ne tiennent pas compte du temps dédié à la préparation des cours, à la correction des copies, aux réunions pédagogiques, à l’accueil des parents d’élèves, aux tâches administratives annexes, etc.
De plus, la plupart des enseignants travaillent également pendant les vacances scolaires. D’après la dernière enquête réalisée par le ministère de l’Éducation nationale1, la majorité des enseignants dans le premier degré déclare travailler entre 27 et 41 jours pendant l’ensemble des vacances. L’enquête montre ainsi que, dans les faits, le temps de travail des enseignants s’établit en moyenne autour des 43 heures hebdomadaires.
Idée reçue n°2 : les enseignants sont suffisamment payés pour le travail qu’ils font
Selon les derniers chiffres publiés par le ministère de l’Éducation nationale, la rémunération de base d’un professeur certifié en début de carrière est de 2 171 euros bruts, à laquelle peuvent s’ajouter certaines indemnités en fonction des conditions d’exercice (enseignement en REP ou REP+, encadrement d’un enseignant stagiaire, etc.). En fin de carrière, le barème (classe normale) prévoit une rémunération de base de 3 313 euros bruts.
Cette rémunération reste nettement inférieure à la moyenne des autres pays développés. D’après le dernier rapport de l’OCDE publié en novembre 20222, le salaire statutaire des professeurs de collège était inférieur de 5% en France par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE et cet écart est 8% au lycée. La progression de la rémunération est également plus lente en France : après dix ans d’exercice, l’écart de salaire atteint 16% au collège et jusqu’à 20% au lycée.
Idée reçue n°3 : les enseignants sont davantage en arrêt maladie que les autres travailleurs
Selon la Cour des comptes3, qui publie les dernières statistiques sur le sujet, les deux tiers des absences des enseignants sont liés au fonctionnement normal du système éducatif : participation à un jury d’examen, accompagnement d’une sortie ou d’un voyage scolaire, participation à un stage de formation ou à des réunions pédagogiques, etc. Seulement un tiers des absences serait donc liés à des problèmes de santé ou familiaux.
D’après les chiffres publiés dans ce rapport, seuls 2,6% des enseignants se seraient absentés au moins un jour au cours d’une semaine en 2019, contre 5,1% dans la fonction publique territoriale, 3,9% dans le secteur privé et 4,9% dans l’ensemble du monde du travail.
Idée reçue n°4 : les risques psycho-sociaux dans la profession sont surévalués
Au printemps 2022, 240 000 personnels de l’Éducation nationale exerçant en établissement scolaire ont répondu à une enquête sur leur bien-être professionnel. Les premiers résultats de cette étude4 indiquent que leur satisfaction professionnelle est inférieure à la moyenne des Français en emploi. Ils l’évaluent à 6,0 sur 10 contre 7,2 pour les Français en emploi. La moitié d’entre eux signalent un sentiment d’épuisement professionnel élevé.
Si ces chiffres ne doivent pas omettre que l’étude a été conduite à l’issue de la crise sanitaire, pendant laquelle un protocole strict a été appliqué dans les écoles, l’ensemble des enquêtes menées sur le sujet5 vont dans le même sens : la majorité des enseignants considèrent que leur métier reste peu valorisé dans la société, ils sont aussi largement insatisfaits par rapport à leurs faibles possibilités d’évolution professionnelle (carrière, salaire, etc.).
Cette expression d’une plus grande souffrance au travail n’est pas récente. Une étude réalisée par des chercheurs de la DEPP6 relevait déjà en 2013 que les enseignants sont plus exposés aux risques psychosociaux que d’autres cadres du privé et de la fonction publique.
Idée reçue n°5 : un enseignant ne démissionne pas
D’après le baromètre UNSA réalisé auprès des personnels de l’Éducation nationale7, si 92 % d’entre eux aiment leur profession, ils sont 37 % à ne plus trouver de sens à leurs missions. 38 % sont prêts à changer de métier pour aller vers un autre métier du public et 27 % à se reconvertir dans un métier du privé. Un rapport du Sénat8 pointait déjà en 2022, une augmentation des départs volontaires (retraites prises plus tôt que prévu, démissions, ruptures conventionnelles, etc.). A elles seules, les démissions ont représenté un volume équivalant à 39 270 postes en 2022, soit 9 % de plus en un an. Rapportés au nombre total d’enseignants, ces départs ne pèsent pas grand-chose, mais d’année en année, ils se font de moins en moins rares. Une situation à surveiller compte tenu des fortes tensions pour recruter.
De fortes attentes pour revaloriser la profession
Depuis la rentrée de septembre 2023, le gouvernement a annoncé l’augmentation de la rémunération « socle » de tous les enseignants. La mise en place du « Pacte enseignant », prévoit également une hausse de salaire conditionnée à la réalisation de missions sur la base du volontariat. La priorité est notamment donnée au remplacement systématique des enseignants absents pour de courte durée dans les collèges et lycées. Parmi les autres missions volontaires proposées figurent aussi la participation au dispositif « devoirs faits » dans les collèges, l’animation de stages de réussite pendant les vacances, l’intervention dans le cadre de la découverte des métiers dès la 5ème.
Reste à voir si ces mesures seront assez fortes et suivies par la communauté éducative pour produire des effets sur la durée. Par ailleurs, la question de la rémunération ne fait pas tout. Une comparaison avec nos voisins européens montre que des pays comme l’Allemagne et le Portugal, qui ont en commun de mieux rémunérer leurs professeurs, n’échappent pas à la problématique de la pénurie d’enseignants. Comme le rappelle le Sénat9 « la question de l’attractivité du métier d’enseignant ne peut être déconnectée de celle de la reconnaissance sociale des enseignants ». Les professeurs ont besoin de se sentir davantage utiles, d’avoir des perspectives et d’être rassurés sur leur rôle au sein de la société.
Comme le rappelle cette journée, les enseignants sont au cœur de la transformation du système éducatif, la réussite scolaire des élèves et leur épanouissement doit beaucoup à l’accompagnement assuré par leurs professeurs tout au long de leur scolarité.
Ils sont aussi des acteurs majeurs de la relation école-entreprise, où le monde éducatif s’ouvre au monde économique et associatif. La revalorisation du métier d’enseignant constitue ainsi un enjeu majeur pour faciliter les projets avec des établissements et les inscrire dans la durée, au bénéfice des élèves.
Principales références
1. Dion É. et Feuillet P., 2022, « La moitié des enseignants déclarent travailler au moins 43 heures par semaine », Note d’Information, n° 22.30, DEPP. https://doi.org/10.48464/ni-22-30.
3. Cour des comptes, 2021, « La gestion des absences des enseignants », La Documentation française.
4. DEPP, 2022, « Premiers résultats du Baromètre du bien-être au travail des personnels de l’Éducation nationale exerçant en établissement scolaire », Note d’Information n° 22.31, octobre.
5. Cf. Les enquêtes réalisées par le Réseau Éducation Solidarité, l’Autonome de Solidarité Laïque, etc.
6. Jégo S. et Guillo C., 2016, « Les enseignants face aux risques psychosociaux : comparaison des enseignants avec certains cadres du privé et de la fonction publique en 2013 », Éducation & formations.
7. UNSA, 2023, « Baromètre Éducation UNSA 2023 : dévalorisation et défiance se cristallisent », mai.
8. Sénat, 2023, « Projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2022 : Enseignement scolaire », Rapport n° 771 (2022-2023), tome II, annexe 14, déposé le 28 juin 2023.
9. Sénat, 2022, « Crise d’attractivité du métier d’enseignant : quelles réponses des pays européens ? » 9 juin.