Pour une égalité femme-homme au travail : la nécessité de mesures audacieuses
Quel est le véritable état de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes en France ? Une récente étude du Céreq (1) met en évidence que les inégalités de genre se perpétuent sur le marché du travail, et ce malgré les initiatives mises en place par les pouvoirs publics au cours des dernières années.
À travers une entrevue avec Vanessa Di Paola (*), chercheuse au Laboratoire d’Économie et Sociologie du Travail d’Aix en Provence, directrice du Centre Associé Régional du Céreq et co-autrice de cette étude, Intersection Le Lab a souhaité explorer les facteurs qui expliquent la persistance de ces inégalités. L’occasion également d’évoquer des pistes de solutions pour instaurer une véritable égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Intersection Le Lab : en tant que co-autrice de l’étude du Céreq et spécialiste des inégalités entre les femmes et les hommes sur le marché du travail, quel premier état des lieux pouvez-vous dresser sur la situation en France ?
Vanessa Di Paola : nos travaux de recherche montrent que les inégalités entre les femmes et les hommes sur le marché du travail persistent. Les jeunes femmes sont toujours plus diplômées que les hommes mais cela ne se traduit pas pour autant par une amélioration significative de leur situation professionnelle. On observe par exemple que la moitié des femmes sont titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur contre seulement 40 % pour les hommes. Compte tenu de leur capital scolaire plus élevé et du poids important accordé aux diplômes dans notre pays, on pourrait s’attendre à ce que les femmes soient davantage en emploi. Ce n’est pas le cas : les femmes ont toujours moins de chances que leurs homologues masculins d’être en emploi trois ans après leur sortie de la formation initiale.
Autre enseignement : en 2020, après trois ans de vie active, 53% des femmes se répartissent dans cinq secteurs professionnels dont aucun n’appartient à la catégorie cadre. Elles occupent plus souvent que les hommes des emplois peu ou pas qualifiés (23% sont employées ou ouvrières non qualifiées contre 14% pour les hommes). 54% d’entre elles sont en emploi à durée limitée (CDD, intérim) et 28% travaillent à temps partiel contre seulement 8% des hommes.
On observe également qu’à poste égal, l’écart de rémunération et de responsabilité demeure : parmi les femmes cadres, seulement 21% occupent des responsabilités hiérarchiques, tandis que cette proportion est de 28% chez les hommes. On pourrait penser que ces différences s’expliquent par les trajectoires de carrière, mais les écarts salariaux entre les sexes apparaissent dès les trois premières années de vie active, avec un avantage de 8% en faveur des hommes en 2020 (contre 6 % en 2013).
Ces données sont assez surprenantes au regard de l’arsenal législatif déployé depuis des décennies. Il faut rappeler que l’égalité femmes-hommes est un principe inscrit dès 1946 dans le Préambule de la Constitution. En 1972, une première loi pose le principe du « à travail de valeur égale, salaire égal » et de nombreux autres textes sont depuis venus la compléter. Pourtant, aujourd’hui, les femmes font toujours face à la fois à un « plancher collant » et à un « plafond de verre ».
« Plancher collant » et « plafond de verre » : de quoi s’agit-il ?
Le plancher collant fait référence au risque plus important pour les femmes d’être en emploi peu qualifié à qualification identique. Le plafond de verre désigne, quant à lui, les freins à la promotion des femmes dans les structures hiérarchiques.